Misez sur un changement des mentalités et un renforcement de la communication

Une politique climatique rationnelle est transversale et intègre une politique écosystémique durable ainsi qu’un écosystème humain renforcé s’appuyant sur une plus grande cohésion sociale.

Compte tenu de l’origine sociale et humaine de la crise écologique, l’ajustement nécessaire ne peut en aucun cas intervenir uniquement au travers de mesures stratégiques et d’une mise en œuvre administrative pas plus qu’au travers d’une innovation purement technologique. En parallèle à l’exercice légitime du pouvoir dans une démocratie représentative, une vaste adhésion à une politique de transition approfondie est tout aussi importante.

Les enquêtes démontrent d’une part une vaste adhésion (rationnelle) sociale avec la nécessité d’une enveloppe durable[1] et d’autre part une résistance (plus émotionnelle) vis-à-vis de mesures concrètes telles que les péages électroniques, l’arrêt du béton, le modal shift ou le logement plus compact. Cette résistance est également représentée et légitimée dans le débat social et le paysage politique. Elle repose sur une mentalité profondément ancrée qui découle du développement sur le plan socio-économique, de l’aménagement du territoire et de la mentalité qui s’inscrit dans la durée. Il s’agit là de la principale cause de la lente et très complexe intégration des évidences scientifiques en matière de défis climatiques et écosystémiques. Sans changement de mentalité dans des couches plus larges de la population, la mise en œuvre d’une politique climatique rationnelle rencontrera de nombreux obstacles[2].

Une politique climatique et durable devra donc inclure un volet approfondi concernant l’information et le débat social. Ceci tant au niveau de l’exposé et de la légitimation de la politique proposée que des différentes positions dans le débat ou encore de l’encadrement concret de la mise en œuvre des mesures. Ce dernier s’impose en général lorsque ces mesures concrètes ne misent pas uniquement sur un changement structurel et forcé des facteurs environnants, mais comptent aussi sur une adhésion et un changement de comportement.

Le développement d’une conscience écosystémique devrait s’inscrire dans le cadre de la mission et des objectifs finaux des universités et de l’enseignement, mais aussi de la mission des médias, du travail socioculturel et du débat politique. Cette conscience doit fournir des perspectives et des instruments permettant de comprendre l’environnement et la société de manière plus systémique et d’évaluer plus justement la contribution d’actes humains individuels et collectifs sur ces systèmes environnants. En d’autres termes, elle doit être axée sur la capacité d’agir de manière plus réfléchie indispensable pour pouvoir atteindre un schéma comportemental plus rationnel sans recours à la contrainte.

Il importe donc d’attirer l’attention de manière plus systématique sur les enjeux climatiques, les défis écosystémiques ainsi que sur les défis culturels et socio-économiques qui y sont liés. Cela s’impose dans les programmes formels au niveau de l’enseignement, des parcours d’insertion civiques, du recyclage, des universités populaires, etc. Mais cette conscientisation doit encore être davantage appliquée aux canaux informels qui permettent la vulgarisation sociale d’idées et d’opinions, comme les médias, les programmes de jeu et d’information populaires, les divertissements, etc. Ces canaux misent pour la plupart sur la reproduction et la légitimation des opinions et des comportements dominants. De ce fait, ils représentent parfois une partie du problème et non de la solution. Cette situation se révèle problématique notamment dans un environnement où les fake news, les mensonges, les idées obscurantistes, les horoscopes, la divination et les superstitions s’inscrivent - sans trop de remise en question ni de réaction - dans le paysage médiatique et les conversations courantes.

Voilà pourquoi il est recommandé d’encadrer aussi au travers de campagnes l’insertion d’une sensibilisation écosystémique dans les canaux de formation formels et informels. Une politique climatique et durable approfondie s’accompagnera de préférence d’une discussion à tous les niveaux de la société concernant les défis, le diagnostic et les recommandations. Cela pourrait par exemple prendre la forme d’une initiative telle que Le Grand Débat récemment organisé en France dans le cadre de la révolte des Gilets Jaunes. À cette occasion des débats ouverts ont été intensivement organisés dans toutes les communes, au sein de toutes les institutions et dans tous les forums pendant quelques mois. Ensuite, les milliers de remarques et de positions ont été synthétisés avant que le Président n’y réponde lors d’une allocution solennelle. Une telle mobilisation de larges couches de la population renforce non seulement l’assise de la politique nécessaire, mais peut également mener à une ébauche de nouveau contrat social qui peut servir de base à de nouvelles relations sociales et à un nouveau modèle de développement.

Cette approche au travers de campagnes peut également être assortie d’un événement récurrent régulier comme une Journée du Climat qui permet d’une part d’entretenir la sensibilisation et d’autre part de faire le bilan intermédiaire de la politique mise en œuvre.


[1] D Bogaert - 2004 :Natuurbeleid in Vlaanderen. Natuurontwikkeling en draagvlak als vernieuwingen?- biblio.ugent.be; I Lorenzoni -2006: Public views on climate change: European and USA perspectives,

NF Pidgeon - Climatic change, Springer

[2] Communicating climate change: Why frames matter for public engagement

MC Nisbet - Environment: Science and policy for sustainable …, 2009 - Taylor & Francis