Œuvrer à la transition énergétique

Dans le cadre de la transition vers une société climatiquement neutre, notre système énergétique doit entièrement être revu.  Les combustibles fossiles doivent disparaitre du mix énergétique et sont remplacés par des sources d’énergie renouvelables. Pour y parvenir, la demande énergétique totale doit fortement diminuer  grâce aux économies d’énergie et aux gains d’efficacité dans tous les secteurs. De plus en plus d’applications utiliseront dès lors de l’électricité produite plus facilement et à faible émission de carbone, par exemple pour les  véhicules électriques ou les pompes à chaleur pour le chauffage domestique.

Pour parvenir à une part sans cesse croissante d’énergie renouvelable, il est nécessaire de renforcer l’intégration européenne des réseaux électriques. La consommation énergétique doit également être gérée plus intelligemment, moyennant un meilleur équilibre de la production et de la consommation, et la mise en place d’un stockage efficace.  Pour ce faire, les différents vecteurs et secteurs énergétiques (chaleur/électricité, transport/bâtiments/industrie) doivent davantage interagir. Ainsi, en cas de production excédentaire d’électricité, la chaleur peut par exemple être mise en tampon ou les véhicules électriques, chargés.

Vous trouverez ci-dessous un certain nombre de mesures clés pour faire de la transition énergétique une réussite. Dans la mesure du possible, vous trouverez également quelques solutions potentielles.

Économie d’énergie

Compte tenu du temps limité pour mettre en œuvre la transition énergétique et limiter le réchauffement à moins de 1,5°C, il est primordial de réaliser des économies d’énergie.

Augmenter très nettement l’efficacité énergétique de notre patrimoine immobilier (existant) constitue un challenge décisif. Ce défi de taille s’inscrit dans le cadre d’un aménagement du territoire entièrement repensé et d’une augmentation forte et rapide de l’offre d’énergies renouvelables, et des ambitions en termes de rénovation vers des habitations à basse consommation d’énergie : le taux de rénovation doit passer de 1 à 3% par an et les habitations doivent être rénovées plus en profondeur[1][2]. Non seulement ces actions sont bénéfiques pour le climat, mais elles offrent en outre d’autres avantages : les habitations sont ainsi plus confortables et de meilleure qualité[3]. Voici quelques pistes éventuelles pour entreprendre des rénovations énergétiques à grande échelle et très rapidement :

  • mettre en œuvre efficacement et rapidement la rénovation obligatoire après vente telle que mentionnée dans le Plan national Énergie-Climat avec une priorité accordée à l’isolation de l’enveloppe du bâtiment[4] ;
  • organiser des rénovations collectives au niveau communal et des quartiers[5] ;
  • réunir et coordonner tous les acteurs de la rénovation (investisseurs, entreprises, propriétaires, pouvoirs publics) est primordial. Des initiatives telles que « EnergieSprong » aux Pays-Bas sont intéressantes à cet égard.[6] Une agence pourrait jouer un rôle de facilitateur[7] ;
  • recourir à des instruments fiscaux et au pilotage du financement : il peut par exemple s’avérer intéressant de coupler le prêt contracté pour un logement au bâtiment plutôt qu’aux occupants[8] ;
  • accorder une attention particulière, lors de rénovations énergétiques de logements et des rénovations de logements locatifs, aux mesures sociales et d’accompagnement pour les personnes à plus faibles revenus. Il est possible d’y parvenir au moyen de mesures normatives qui garantissent des prestations énergétiques et un confort de vie minimum et au moyen de mesures d’accompagnement spécifiques pour les locataires et les propriétaires[9].

Malgré le fait que nous utilisons de plus en plus d’applications électriques, de nombreux progrès restent à faire en matière d’économies d’électricité. Qu’il s’agisse notamment de la nécessité d’un relighting, d’améliorer l’efficacité des appareils électroménagers ou de remplacer les appareils de chauffage électriques désuets et inefficaces. L’amélioration des procédés dans l’industrie peut également permettre d’économiser de grandes quantités d’électricité.[10]

Éliminez progressivement les combustibles fossiles et renforcez le développement des énergies durables

Ces combustibles fossiles devront être éliminés progressivement d’ici 2050, non seulement pour la production d’électricité, mais également pour le chauffage. Voici quelques mesures possibles pour faciliter une telle transition :

Chaleur

  • D’une part, des mesures sont nécessaires pour éliminer progressivement les combustibles fossiles. Les mesures annoncées dans le Plan national climat et énergie, à savoir, en Flandre, la fin du raccordement au gaz naturel de nouveaux lotissements à partir de 2021, et l’arrêt de la commercialisation de chaudières à mazout pour les nouveaux bâtiments et les rénovations énergétiques profondes, constituent une première étape. Tout comme l’objectif du Pacte énergétique wallon qui vise à interdire la vente de chaudières à mazout à partir de 2035. Compte tenu de l’urgence de la question du climat, il convient d’accélérer la mise en œuvre de l’interdiction d’installer des installations de chauffage à combustibles fossiles[11].
  • Par ailleurs, les alternatives aux combustibles fossiles doivent faire l’objet d’un travail structurel.  Le développement de la chaleur verte ne doit pas être envisagé indépendamment de la nécessité de rénovations énergétiques en profondeur. À l’instar du Danemark, nous proposons que les communes soient chargées de l’élaboration de plans territoriaux en matière d’énergie et de chaleur. Sur cette base, une décision peut être prise quant aux endroits où un chauffage collectif (réseaux de chaleur) s’avère approprié et en endroits où il est préférable d’opter pour des solutions individuelles comme des pompes à chaleur. Il est dès lors nécessaire de faciliter davantage le déploiement des réseaux de chaleur et de la récupération de chaleur résiduelle.
  • Dans ce cadre, le financement peut également jouer un rôle de pilotage important. Afin de faciliter l’électrification du chauffage (mise en place de pompes à chaleur), il est conseillé de supprimer les taxes énergétiques de la facture d’électricité et de compenser ce manque à gagner d’une manière alternative, de préférence via les combustibles fossiles. 
  • Le rôle et le potentiel du gaz vert font l’objet d’une attention particulière. Il convient dès lors d’établir des critères de durabilité pour le gaz vert et une vision claire de la répartition du potentiel de gaz vert entre les différents secteurs.

Électricité

Afin d’augmenter davantage l’électricité renouvelable, les mesures suivantes sont envisagées.

  • Instruments qui rendent intéressante l’installation de l’énergie solaire sur tous les toits (grands toits, logements locatifs, immeubles à appartements...) et qui permettent aux personnes dont le toit ne convient pas d’accéder à leur propre production solaire. Le partage solaire et l’autoconsommation collective sont des pistes intéressantes à cet égard[12]
  • Une approche plus systématique avec une forte implication des riverains dans la planification et l’exploitation (à travers des coopératives) d’éoliennes terrestres avec des objectifs clairs pour les différents niveaux de pouvoir. Cela peut augmenter le soutien pour les éoliennes. En outre, les restrictions imposées par les radars du secteur de l’aviation doivent être supprimées afin que des éoliennes puissent également être érigées à proximité des aéroports (civils et militaires).
  • L’accélération du développement éolien prévu de 4 GW en mer du Nord, en harmonie maximale avec la nature et avec un raccordement garanti de ces éoliennes à la terre.
  • L’incertitude au sujet de l’arrêt des réacteurs nucléaires freine les nouveaux investissements. C’est pourquoi une confirmation de l’agenda de la sortie du nucléaire est demandée, afin de laisser le champ libre à un système énergétique plus flexible et renouvelable.
  • Il est nécessaire de limiter l’utilisation des centrales au gaz au strict nécessaire, après avoir accordé la priorité aux économies d’énergie, aux énergies renouvelables, à la gestion flexible de la demande, au stockage et à la cogénération.

Biomasse

  • L’utilisation de la biomasse doit être limitée à ce qui est disponible durablement, et il convient dans ce cadre de respecter le principe de hiérarchisation des usages en cascade. La biomasse ne doit être utilisée pour l’énergie que si elle ne peut pas être utilisée pour l’alimentation ou comme matériau. Les flux régionaux résiduels de biomasse doivent être organisés d’une manière géographiquement intelligente afin qu’ils puissent être valorisés efficacement. La biomasse ne doit être utilisée que dans les applications les plus efficaces (cogénération ou chauffage collectif). Il ne faut pas importer de biomasse qui ne satisfait pas aux critères stricts de durabilité.
  • Selon une étude de la Commission européenne, la plupart des biocarburants actuels ne sont pas durables et émettent même plus de gaz à effet de serre que les combustibles fossiles. Il existe également d’autres problèmes de durabilité tels que la perte de biodiversité, des atteintes aux droits de l’homme, l’insécurité alimentaire et l’accaparement des terres. C’est pourquoi la nouvelle directive RED II permet aux États membres de ne plus utiliser des biocarburants issus de plantes destinées à l’alimentation humaine ou animale. Pour les États membres qui souhaitent continuer à les utiliser, des teneurs maximales ont été fixées. L’offre potentielle de biocarburants « avancés » devrait rester limitée. C’est pourquoi la Belgique et les Régions devraient éviter de trop compter sur les biocarburants dans leur plan de décarbonisation des transports.

Le citoyen, acteur actif dans le domaine de l’énergie

  • Pour renforcer le soutien aux énergies renouvelables et faire en sorte que les avantages de ces énergies renouvelables profitent aux citoyens, les coopératives énergétiques (comme c’est le cas en Allemagne), peuvent jouer un rôle plus important. Il est demandé aux décideurs politiques de créer une atmosphère propice à la participation active des citoyens, comme le prévoit la nouvelle législation européenne.

Œuvrer  à un système énergétique flexible et intelligent

Afin d’intégrer correctement une part sans cesse croissante d’énergies renouvelables, un système énergétique flexible et intelligent est nécessaire, dans lequel l’offre et la demande interagissent davantage et qui dispose d’une capacité de stockage suffisante. Les mesures suivantes permettent d’atteindre cet objectif :

  • établir une feuille de route pour un réseau intelligent et flexible donnant aux gestionnaires de réseaux un mandat clair pour contribuer à la neutralité climatique. Il est également possible de stimuler la flexibilité du côté de la demande à l’aide de divers instruments, tant sur le marché qu’à l’extérieur (tarification et fixation des prix, soutien ciblé, déploiement de compteurs numériques...) ;
  • poursuivre les travaux visant à renforcer le système européen de transport d’électricité, non seulement sur terre mais également en mer du Nord ;
  • mettre davantage l’accent sur la recherche et le développement de technologies power to x[13], le stockage (saisonnier) et, en particulier, œuvrer à une vision du rôle de l’hydrogène.

Assurer un financement ciblé de la transition énergétique

Pour que la transition énergétique soit une réussite, un financement ciblé et intelligent est nécessaire. Pour y parvenir, voici différentes pistes :

  • l’abolition des subventions pour les combustibles fossiles, telles que la suppression progressive des voitures de société et l’abandon des investissements publics et du soutien aux combustibles fossiles (désinvestissement) ;
  • l’introduction d’un prix national du carbone ; des développements pourront être entrepris dans ce cadre sur la base de nombreuses études préparatoires[14] ;
  • un prix plus élevé du SCEQE pour toutes les entreprises, associé à une taxe sur les importations de CO2 aux frontières européennes afin de garantir des conditions de concurrence équitables ;
  • des systèmes dans lesquels des investissements initialement élevés dans des équipements efficaces sur le plan énergétique ou des interventions de tiers sont soutenus et dans lesquels les remboursements sont financés par les économies d’énergie[15] ;
  • l’utilisation d’instruments de financement innovants. Ainsi, on pourrait imaginer un « fonds citoyen » créé par les pouvoirs publics via la vente des obligations pour des investissements dans les énergies renouvelables. De cette façon, les plus de 250 milliards d’euros actuellement sur les comptes d’épargne en Belgique pourraient être utilisés pour la transition énergétique ;
  • des ressources de recherche suffisantes pour les énergies renouvelables et des solutions énergétiques innovantes telles que les technologies power to x, l’intégration des systèmes, le stockage de l’énergie...

[1] Voir par ex.

[2] La stratégie wallonne de rénovation du bâtiment pour la rénovation constitue un bon objectif à cet égard, mais sa mise en œuvre reste encore à confirmer : https://energie.wallonie.be/servlet/Repository/strategie-wallonne-a-long-terme-pour-la-renovation-energetique-des-batiment.pdf?ID=47301

[3] Multiple benefits of investing in energy efficient renovation of buildings, Copenhagen Economics for Renovate Europe, 2012

[4] Voir également, par exemple, en Allemagne où les rénovations obligatoires sont également reprises dans le décret sur les économies d’énergie, voir http://bpie.eu/wp-content/uploads/2015/12/BPIE_Renovation_in_practice_2015.pdf

[5] voir par exemple http://www.renoseec.com/, https://www.be-reel.be/

[6] https://energiesprong.org/

[7] comme recommandé lors des consultations du PNEC wallon : https://energie.wallonie.be/servlet/Repository/2018-consultation-esco.pdf?ID=49776, p. 8

[8] voir par exemple. https://www.objectgebondenfinanciering.nl/

[9] voir par exemple. stroomversnelling.nl

[10] Reducing energy consumption and peak power in Belgium, 3E, 2013.

[11] ainsi, le Danemark a déjà interdit en 2013 l’installation de chaudières au gaz ou à mazout dans de nouveaux bâtiments

[12] Comme prévu par l’U.E. : https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2018/2001/oj

[13] Power to x se réfère à différentes formes de transformation de l’électricité ou de stockage, dans lesquelles l’électricité est transformée en d’autres vecteurs tels que la chaleur, l’hydrogène, le gaz... C’est un moyen de valoriser les excédents d’électricité et d’intégrer les secteurs.

[14]https://www.climat.be/files/2615/3268/2882/National_Carbon_Pricing_Debate_-_Final_Report.pdf

[15] https://energie.wallonie.be/servlet/Repository/2018-consultation-esco.pdf?ID=49776