Optez pour une politique de mobilité orientée vers un transfert modal significatif

Mobilité

Élaborez rapidement un plan de mobilité interfédéral et l’adapter à la mobilité durable

Élaborez une politique de mobilité cohérente et coordonnée entre les différents niveaux de pouvoir moyennant une vision interfédérale de la mobilité avec 2030 et 2040 comme dates cibles.

Une vision interfédérale de la mobilité doit décrire clairement le système de transport zéro carbone de l'avenir et décrire les mesures à prendre (en 2030 et 2040) pour réduire la demande de mobilité, les composantes modales et les choix technologiques, et ce selon la logique des 3A (AvoidAct and shiftAnticipation of New technologies). Une telle vision devrait définir des objectifs clairs tant pour la mobilité des personnes (voir 18c) que pour le transport de marchandises (voir 18d). Elle devrait également englober les transports maritimes et aériens internationaux (20a et 20b), compte tenu de leurs effets particulièrement préoccupants sur le climat.

Pour le moment, chaque région élabore sa propre vision de la mobilité. En conséquence, la coordination entre les régions est insuffisante. Ceci est, par exemple, très visible dans l’accessibilité de la Région de Bruxelles-Capitale depuis sa périphérie. Une vision interfédérale est donc nécessaire pour parvenir à une politique cohérente visant à une mobilité durable.   

Il est nécessaire que les administrations et les entreprises de transport, fort du soutien des politiques, élaborent rapidement un plan coordonné qui respecte les compétences à tous les niveaux.

Il doit être possible – et des plans sont déjà en place – de parvenir rapidement à une vision commune selon laquelle tous les investissements sont axés sur la mobilité durable (18b). Cela permettra également d’offrir aux usagers des transports publics une gamme de services attrayants et bien coordonnés. Cette approche peut produire des résultats rapides, en l’espace de quelques années déjà.

Cette vision de la mobilité durable doit être élaborée moyennant la concertation entre les différents niveaux politiques (fédéral, régional et local) et entre les différents acteurs (entreprises de transport, usagers, société civile, acteurs économiques), et doit conduire à une plus grande cohérence entre les plans de mobilité des différents niveaux politiques.

La vision interfédérale de la mobilité durable doit également être en adéquation avec une vision stratégique de l’aménagement du territoire, afin de parvenir à une organisation plus efficace et à une meilleure qualité de vie.

En principe, une telle politique coordonnée ne peut avoir que des avantages sociaux. Toutefois, il est important que, par exemple, les abonnements, les titres de transport et les tarifs sociaux soient coordonnés dans la mesure du possible.

En matière de mobilité, optez pour le principe « STOP » et travaillez sur le transfert modal réel

Le principe STOP indique que lors de la planification de la politique de mobilité, la priorité doit d’abord être donnée à la marche (« Stappen »), , ensuite à au vélo (« Trappen » , pédaler), puis aux transports publics (Openbaar vervoer) et, enfin, aux voitures Particulières. 

Assumez un rôle de régie dans la politique en matière de piétons 

  • Prévoyez suffisamment d’infrastructures accessibles aux piétons avec une signalisation cohérente et uniforme.
  • Prévoyez des points de passage sûrs sur les routes régionales et près des arrêts et des nœuds de transport en commun. Il convient de porter une attention particulière aux voies d’accès et aux abords des écoles, des établissements de soins, des maisons de repos, des bâtiments publics et des lieux à forte densité d’emploi.
  • Construisez des réseaux piétonniers cohérents et attrayants, tels que les itinéraires de cheminement fonctionnel verts (« Groene Functionele Belevingstrajecten »).
  • Augmentez l’expertise en matière de politique, de circulation et d’aménagements piétonniers au sein des administrations. Investissez dans la recherche, car les données scientifiques et objectives sur les déplacements, les comportements et les infrastructures des piétons sont quasi inexistantes ou dépassées en Belgique. Des données objectives sont une condition nécessaire pour motiver les décisions politiques. Informer également le citoyen, par exemple par le développement d’applications et d’initiatives éducatives qui rendent la marche attrayante.

Prévoyez une infrastructure de qualité pour une culture cycliste (électrique) dynamique

Investissez dans les infrastructures cyclables. Augmentez chaque année les investissements dans les infrastructures cyclables, de sorte qu’à la fin de la législature, ils s’élèvent pour la Flandre par exemple, à 500 millions d’euros par an. Utilisez ce budget pour compléter les réseaux existants tels que le Bovenlokaal Functioneel Routenetwerk (BFR) et le réseau des autoroutes cyclistes (p. ex. Fiets-GEN). Ces deux réseaux existent sur papier, mais doivent également être réalisés dans la pratique. Commencez par les endroits où la demande de mobilité est la plus forte. Le désenclavement des villes-centres et des grands pôles d’emploi tels que les ports sont également au nombre des priorités. Ainsi, toutes les villes-centres et la Région de Bruxelles-Capitale seront facilement et en toute sécurité accessibles à vélo depuis la périphérie de la ville, et le vélo (électrique) deviendra une véritable alternative à la voiture pour les courtes et moyennes distances.

  • Donnez la priorité au principe 30/50/70. Afin de créer un environnement plus sûr pour les cyclistes, le régime de vitesse sur les routes existantes doit être déterminé par l’infrastructure cyclable existante. C’est le moyen le plus rapide et le moins cher d’éviter les accidents de cyclistes dus à une vitesse (excessive). Le principe 30/50/70 signifie que : une vitesse maximale de 30 km/h s’applique sur les routes sans pistes cyclables ; une vitesse maximale de 50 km/h s’applique sur les routes avec une piste cyclable adjacente surélevée ; une vitesse maximale de 70 km/h est appliquée seulement sur les routes avec une piste cyclable en site propre et conforme.
  • Prévoyez des intersections non conflictuelles, de manière à éviter tout conflit entre les cyclistes et la circulation motorisée. Les carrefours constituent le talon d’Achille de la sécurité à vélo, parce que les cyclistes sont confrontés à un trafic motorisé (dense). Les intersections non conflictuelles sont déterminantes pour garantir la sécurité des cyclistes. Il est possible d’atteindre cet objectif en construisant des intersections souterraines. Une solution moins coûteuse est un système de feux non conflictuel. Les feux de signalisation sont ensuite réglés de manière à ce que les cyclistes disposent de suffisamment de temps pour traverser en toute sécurité, sans entrer en contact avec la circulation motorisée qui tourne.
  • Misez sur l’intermodalité. Prévoyez des infrastructures adaptées aux nœuds des transports en commun : des arceaux à vélo aux arrêts d’autobus jusqu’aux grands parkings à vélos dans les gares. Prévoyez des vélos partagés (électriques) aux points mob où convergent les différents modes de transport durables. 

Prévoyez une offre de transports publics suffisamment large, de qualité et sans émission. 

Prévoyez à court terme une vision claire et intégrée pour le développement futur des transports publics.  Renouvelez la vision de De Lijn, de la STIB et des TEC. En plus du plan d’investissement jusqu’en 2022, prévoyez également une vision à long terme pour les chemins de fer.

  • Investissez dans les transports en commun. L’analyse coûts-avantages de nombreux projets de transport public est positive. Autrement dit, même une petite amélioration de l’offre génère plus de clients. L’aménagement de lignes de tramway au niveau national et à l’étranger se traduit toujours par une forte augmentation du nombre de passagers et permet aux zones centrales de recouvrer la prospérité. Limitez les frais généraux inutiles au sein des entreprises de transport. 
  • Prévoyez un plan d’investissement et une vision pour le développement futur des transports urbains et vicinaux. Des éléments importants dans ce cadre sont la « tramification » de couloirs de bus très fréquentés, un certain nombre de prolongements de lignes de tramway et de nouvelles lignes de tram express le long d’autoroutes engorgées. Les nouvelles lignes sont mieux reliées au réseau existant par des nœuds de haute qualité.
  • Prévoyez un plus large éventail de transports urbains et vicinaux. Augmentez les fréquences à au moins 7,5 minutes sur les lignes de tramway et d’autobus très fréquentées et jusqu’à 10 minutes sur les autres lignes. Construisez des réseaux de nuit dans et autour des villes. Compensez les correspondances ferroviaires manquantes à l’aide de nouvelles lignes d’autobus express.
  • Assurez un flux de circulation rapide des trams et des bus, et atteignez les vitesses souhaitées dans un délai de cinq ans.
  • Mettez davantage en adéquation les transports publics et les autres modes de transport durables. Veillez à ce que les transports publics soient inclus dans les plates-formes MaaS (mobilité en tant que service). Veillez également à mettre en place plus de liaisons entre toutes les formes de transport durable en créant des points « mob », où les différents modes de transport convergent. Par exemple, dans une gare, vous pouvez facilement poursuivre votre trajet en bus, en trams, à vélos (électriques) partagés ou en voitures électriques partagées. Garantissez l’accessibilité à ces nœuds pour les personnes à mobilité réduite (personnes âgées, personnes en fauteuil roulant, personnes aveugles et malvoyantes), afin qu’elles aussi puissent y accéder confortablement et en toute sécurité et utiliser facilement les possibilités de transfert.
  • Utilisez le réseau de transport public comme épine dorsale de la construction de nouveaux logements, magasins ou bureaux. En construisant à proximité des nœuds de transport public, vous offrez une solution de remplacement à la circulation automobile qui ne cesse d’augmenter. C’est ce que prévoit le « Livre blanc sur le Plan de politique spatiale » pour la Flandre. Les plans de mobilité des régions doivent également s’appuyer sur cet objectif. 

Arrêtez le développement du réseau autoroutier

  • La plupart des investissements régionaux dans les infrastructures sont destinés au réseau autoroutier. En investissant, par exemple, dans des bandes réservées aux heures de pointe, des voies supplémentaires sur le périphérique de Bruxelles ou la liaison Oosterweel, on ne fait que contribuer à l’inflation du trafic automobile.   Par conséquent, n’investissez plus dans des capacités supplémentaires pour le réseau routier, mais plutôt dans une politique qui s’oppose à la croissance du trafic automobile. 

En prêtant attention aux modes actifs et en faisant de ceux-ci une priorité en matière d’investissements et de mesures, un transfert modal peut être concrétisé.

La fluidité de la circulation augmentera la fiabilité des transports en commun. En d’autres termes, ils seront utilisés par un plus grand nombre de personnes. Qui plus est, une bonne fluidité du trafic permet d’économiser des frais d’exploitation et de générer davantage de revenus grâce à l’utilisation accrue des transports publics par les clients.

Réduire de 20 % d’ici 2050 le kilométrage à forte intensité de carbone par personne par rapport aux niveaux actuels

Dans notre pays, les transports sont responsables de 22,4 % des émissions de gaz à effet de serre (AEE, 2019). Pire encore, c’est le seul secteur qui n’a pas encore réussi à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (VMM, 2018). Les améliorations de la technologie automobile sont systématiquement compensées par la croissance rapide de la demande (SPF Mobilité et Transports, VMM, 2018). Cette demande est essentiellement satisfaite par le trafic routier (81 % pour le transport de personnes, exprimé en passagers-km, et 73% pour le transport de marchandises, exprimé en tonnes-km, chiffres 2015, SPF Mobilité).

Le secteur des transports est l’un des secteurs non couverts par le système européen d’échange de quotas (European Trading Scheme). Ces secteurs doivent réduire leurs émissions de CO2 de 35% par rapport à 2005 d’ici 2030, c’est-à-dire dans 11 ans, si nous voulons atteindre cet objectif climatique. Le défi est donc considérable. 

La croissance des embouteillages n’est pas non plus étrangère à l’augmentation du nombre de véhicules-kilomètres. Penser que ces problèmes disparaîtront en construisant davantage d’infrastructures routières participe de l’illusion. Cette réalité a déjà été démontrée aujourd’hui dans de nombreuses recherches empiriques. Et nous n’avons pas encore abordé les effets sur la qualité de l’air. Plus de 11.000 décès prématurés en Belgique peuvent être attribués à une mauvaise qualité de l’air (Agence européenne pour l’environnement, Air Quality in Europe, 2017). En moyenne, un habitant de Flandre perd une année de vie saine tout au long de sa vie en raison de son exposition aux particules fines (VMM). En déployant une politique des 3A (Avoid, Act and Shift et Anticipation of new technologies) nous pouvons réduire le nombre de véhicules-km et les coûts externes du transport.

Cette politique doit être développée de telle sorte que la demande de mobilité puisse être maîtrisée et que les kilomètres inutiles puissent être évités (Avoid). Elle doit également permettre de définir des objectifs sur la base de scénarios existants : le scénario belge Low Carbon 2050 prévoit une réduction de 20 % du nombre total de kilomètres par personne (p.km) en 2050 par rapport au niveau actuel (SPF[1]). Au niveau wallon, la vision FAST du gouvernement prévoit une réduction de 5 % du nombre de kilomètres parcourus (p.km) d’ici 2030 par rapport à 2014.

Les mesures visant à atteindre ces objectifs doivent être expliquées plus en détail (moyens et calendrier de mise en œuvre, impact attendu) dans les plans de mobilité et de transport durables.

Afin d’éviter les véhicules-kilomètres, il convient dans un premier temps de plancher sur l’aménagement du territoire. Le morcellement spatial a rendu très difficile le développement d’un système de transport public performant et l’indépendance des personnes à l’égard de la voiture Par conséquent, il importe de mettre en adéquation l’aménagement du territoire   la mobilité et le transport de marchandises : nous devons nous orienter vers la densification et les développements multifonctionnels avec un mélange des différentes fonctions. Il convient de stimuler la proximité entre le lieu de travail et le domicile. Dans un monde idéal, les autorités ne devraient pas avoir à intervenir sur le prix de revient des déplacements travail/domicile. Si toutefois elles le font, leurs interventions devraient promouvoir, dans un premier temps, les trajets courts et, deuxièmement, largement favoriser les moyens de transport les plus durables. 

Réduisez les indemnités et la déductibilité fiscale pour les déplacements en voiture entre le lieu de travail et le domicile. Défendez une fiscalité encourageant la proximité entre le lieu de travail et le domicile en octroyant une prime aux ménages qui vivent sans voiture (de société). Réduisez les frais d’enregistrement et les précomptes immobiliers pour les maisons économes en énergie dans le centre. Fort d’un tel système fiscal pour ceux qui adoptent un mode de vie économe en énergie et vivent à proximité de leur lieu de travail, on peut gérer la mobilité résidentielle de manière sélective.

 La nouvelle génération de services de télécommunication permet d’organiser de nombreuses réunions sans avoir à se déplacer. Encouragez l’innovation et le changement de comportement en ce sens.

Améliorez les performances environnementales des véhicules par l’innovation technologique et optez pour des véhicules plus légers et moins puissants (Anticiper les nouvelles technologies).

Une politique de mobilité durable permettra non seulement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi d’améliorer la qualité de l’air et de la vie, de réduire les accidents et de renforcer la justice sociale. 

Arrêter la croissance du volume et procéder à un transfert modal du transport de marchandises

Le transport de marchandises continue d’afficher une croissance considérable. La mondialisation croissante et l’avènement de l’e-commerce sont deux tendances sous-jacentes importantes qui façonnent cette évolution. Selon le Bureau fédéral du Plan, en l’absence de nouvelles mesures, le secteur du transport de marchandises continuera à croître de 25% entre 2016 et 2040, avec une croissance du nombre de véhicules-km par les camionnettes supérieure à celle des camions (Bureau fédéral du Plan, 2019).

Il est important que cette tendance s’inverse avant 2030 et que la croissance du volume du transport de marchandises soit stoppée. Qui plus est, la majorité du transport de marchandises se fait par route, ce qui contribue aux émissions de CO2.

Dans ce contexte, il convient d’appliquer le principe des « 3V » : vermijden (éviter), verschuiven (décaler ou reporter) et verschonen (verdir)

En travaillant sur des chaînes d’approvisionnement plus courtes, les fameux circuits courts avec une production et des produits locaux, en réduisant les besoins de consommation et en misant sur l’économie circulaire, il est possible de remplir les critères du premier V, Éviter. Il est possible de réduire les flux et les volumes de transport de marchandises en déplaçant les centres de production, en gérant mieux l’e-commerce et en régulant les flux relatifs au commerce international (notamment par l’introduction éventuelle d’une taxe frontalière basée sur le carbone). Il est également possible « d’éviter » en améliorant le regroupement des flux de marchandises, ce qui permet d’éviter la conduite à vide. Les centres de distribution urbains en périphérie de la ville permettent de regrouper les marchandises et de les livrer sans émission. L’exploitation du centre et le transport du dernier kilomètre peuvent être effectués au moyen d’un contrat de gestion afin de mieux regrouper les marchandises.

Déplacer les flux de marchandises vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement, tels que la navigation intérieure, le rail et les vélos cargos. Le transport de marchandises par voies navigables et par rail peut être développé davantage en créant des conditions de concurrence plus équitables avec les autres modes de transport. Cela peut se faire en internalisant les coûts externes ou en introduisant une contribution carbone et en supprimant les obstacles organisationnels et techniques au transport multimodal. Le port devrait jouer un rôle proactif dans la réalisation d’objectifs ambitieux de répartition modale en prônant une politique de transfert modal de grande envergure à partir du port.

Verdir consiste à mobiliser une technologie de véhicule respectueuse de l’environnement pour le secteur du transport de marchandises. L’électrification est plus difficile dans ce contexte, mais c’est une carte jouable dans la distribution urbaine. Le verdissement de la flotte devrait également être une priorité pour la navigation intérieure. 

Compte tenu de l’explosion de la demande en transport, les améliorations technologiques et organisationnelles sont intervenues en vain. Une politique orientée sur l’évitement et sur une structure de base du transport de marchandises est donc indispensable.


[1] https://www.climat.be/2050/fr-be/analyse-de-scenarios/